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vendredi, 28 avril 2023

Financement de l'apprentissage : catastrophe annoncée dans la fonction publique.

Je souhaite aujourd’hui aborder un sujet un peu technique, mais qui concerne de plus en plus notre jeunesse, à savoir l’apprentissage, et en particulier celui que l’on peut effectuer dans nos collectivités territoriales, c’est-à-dire nos communes, nos intercommunalités, nos départements et nos régions.

Jusqu’en 2019, les effectifs d’apprentis dans la territoriale étaient à peu près stables, à 7 500 par an en moyenne. Ils ont considérablement augmenté ces dernières années pour atteindre plus de 12 000 en 2022, et tout laisse à penser que cette augmentation est loin d’être finie. Sur le fond c’est une très bonne chose et une très bonne nouvelle.

L’apprentissage, quel que soit le niveau de qualification ou de diplôme, est surement l’une des meilleures voies d’accès à l’emploi. Que celui-ci augmente y compris dans nos collectivités est une seconde très bonne chose : cela permet à des jeunes d’explorer le monde du service public local, dans une période où celui-ci penne à recruter et où de plus en plus, les salariés de ce pays sont en recherche de sens dans leur travail, ce qu’apporte indubitablement l’univers du service public territorial de par sa proximité et sa préoccupation de tous les instants de nos concitoyens. Vous pouvez le constater dans vos Mairies, en proximité.

Tout va bien dans le meilleur des mondes donc, seriez-vous tentés de me dire. Oui, sauf que l’édifice est fragile car il repose sur un système de financement très fluctuant ces dernières années, et c’est là que ça devient technique, donc arrimez-vous solidement au bastingage. Tout commence avec la loi relative à « la liberté de choisir son avenir professionnel » du 5 septembre 2018, qui vient retirer la compétence apprentissage aux régions – et oui, pourquoi garder quelque chose qui marche ? - en créant France compétences comme organisme centralisateur de la taxe d’apprentissage. Oui mais voilà, le gouvernement a « oublié » que les régions finançaient l’apprentissage dans le privé, mais également dans le public ! On s’est donc retrouvé dans une situation baroque où plus personne ne s’occupait du financement de l’apprentissage dans la fonction publique. Pour tenter de combler ce vide juridique, la loi du 6 aout 2019 de « transformation de la fonction publique » est venue confier cette compétence au Centre National de la Fonction Publique Territoriale – dont je suis administrateur, d’où le billet sur ce sujet – en le chargeant de financer les coûts de formation des apprentis, mais selon cette bonne vieille habitude étatique de transférer des compétences sans transférer les ressources qui vont avec. Donc nouveau problème, où le CNFPT prendra-t-il l’argent pour financer l’apprentissage, sans toucher à son cœur de métier, la formation continue des agents territoriaux ? Telle est la question.

Alors nous avons alerté, avec la coordination des employeurs territoriaux sur les lourdes difficultés dans la visibilité et surtout, la soutenabilité dans le temps d’une telle situation. Le gouvernement a entendu et compris la difficulté qu’il était difficile d’occulter. Et nous voilà avec un troisième véhicule législatif, la loi de finances pour 2022, qui vient instaurer un nouveau mécanisme de financement par le CNFPT mais avec la création d’une nouvelle cotisation de 0,1% de la masse salariale des collectivités territoriales – la même que la taxe d’apprentissage payée par les entreprises donc - versée au CNFPT, avec en complément et en contrepartie une participation de l’Etat à hauteur de 15 millions d’euros ainsi qu’une participation à hauteur de 15 millions également de France compétences. Le reste à charge, 13 millions d’euros, étant supporté par le budget général du CNFPT. On pourrait penser l’affaire résolue. Mais non.

En effet, l’équilibre était construit pour un recrutement annuel de 8 000 apprentis représentant une dépense totale de 83 millions d’euros. Pas 12 000 et plus si affinités. Non content de constater le déséquilibre, le gouvernement décide alors de l’aggraver en annonçant son désengagement et celui de France compétences sur trois ans, alors même que le parlement vient tout juste de voter le nouveau mécanisme et qu’Elisabeth Borne alors ministre du travail, venait de signer une convention avec le CNFPT confirmant ce système et les sommes engagées par les uns et par les autres. Avec des amis comme ça, on n’a pas besoin d’ennemis. Mais l’histoire continue !

A l’occasion d’une circulaire du 10 mars dernier, alors même que le financement de 8 000 apprentis n’est plus assuré par ce mécanisme dès l’an prochain, la même Elisabeth Borne, cette fois en tant que Première ministre, demande aux employeurs territoriaux d’augmenter leurs objectifs de recrutement d’apprentis au-delà des 12 000 apprentis de 2022 tout en confirmant dans la même circulaire l’extinction du financement par France compétences. Parallèlement, le CNFPT lance son enquête de début d’année auprès des collectivités territoriales sur leurs anticipations de recrutements des apprentis pour 2023. Et on découvre que celles-ci entendent recruter… 18 000 nouveaux apprentis ! Or 18 000 contrats d’apprentissages représenteraient un engagement financier de plus de 162 millions d’euros, sachant que la cotisation apprentissage ne rapporte que 45 millions d’euros par an, et que donc on ne peut plus compter sur la participation de l’Etat de 15 millions d’euros ni sur celle de France compétences, à terme. Mais même sans parler de cette disparition annoncée de ces deux soutiens financier, il faudrait donc que le CNFPT trouve 87 millions d’euros dès cette année, (162 – (45 + 15 + 15) = 87, le compte est bon). Autant dire, mission impossible sauf à sacrifier 80 % de son offre de formation à destinations des agents territoriaux (qui pour rappel, cotisent pour ça !).

Bien loin d’accompagner financièrement le secteur public locale dans cette progression du recours à l’apprentissage, le gouvernement demande donc aux employeurs locaux de faire plus tout en se dégageant, et alors même qu’il poursuit un soutien de l’apprentissage dans le secteur privé au travers d’une subvention d’équilibre annuelle à France compétence (1 à 2 milliards d’euros) et une aide aux employeurs privés de 6 000 euros par apprentis soit 4 milliards d’euros par an ! Deux salles, deux ambiances donc. Tout ça pour vous dire qu’au-delà de l’absurdité administrative consistant à retravailler un même sujet toujours pas réglé pendant 5 ans – nous ferions cela dans nos collectivités que l’Etat viendrait nous faire la leçon – nous sommes donc face à un mur.

Sans solution de financement, soit on en vient à limiter le nombre d’apprentis dans le secteur public local, soit on réduit à peau de chagrin la formation de nos agents territoriaux dans une période où les transitions sont nombreuses - et je pense notamment à celle écologique – et où donc nous avons besoin au quotidien d’agents hyper qualifiés pour affronter ces défis. Dans les deux cas, ce n’est dommageable et guère acceptable.

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jeudi, 13 avril 2023

La Fonction Publique Territoriale : avenir de nos territoires.

Dans une période où les difficultés à recruter se font ressentir ici et là depuis de nombreux mois, j’ai souhaité faire un focus sur un sujet que je connais bien et qui, dans le cadre de mes fonctions d’élu, m’amène à m’y investir : la fonction publique territoriale.

Qu’est-ce que cette fonction publique territoriale ? C’est l’un des trois « versants » de la fonction publique en France : Etat, Hospitalière et Territoriale. Autrement dit, pour cette dernière, tous les agents qui travaillent pour le service public dans vos mairies, vos intercommunalités, vos départements et vos régions. Il y a environ 2 millions d’agents territoriaux en France et un établissement public qui accompagne, forme et contribue à écrire l’histoire de cette fonction publique : le CNFPT, Centre National de la Fonction Publique Territoriale.

Avec quelques 2500 agents répartis en 18 délégations régionales et 103 implantations locales sur tout le territoire hexagonal et ultra marin, 453 millions d’euros de budget, le CNFPT accompagne et forme notre fonction publique territoriale de manière à ce qu’elle soit toujours à la pointe des attentes des concitoyens et de leurs employeurs : les collectivités locales. Par ailleurs, au sein de cet établissement essentiel aux territoires, il existe une école, un institut pour les cadres de la territoriale : l’INET (Institut National des Etudes Territoriales) basé à Strasbourg et qui émane du CNFPT. Il forme celles et ceux qui ont la charge d’accompagner les élus, mais également les lauréats des concours et examens professionnels des métiers de direction des collectivités de plus de 40 000 habitants: administrateurs, ingénieurs en chef, conservateurs du patrimoine et conservateurs de bibliothèques. Un nouveau projet d’établissement est à écrire pour la période 2023-2027. Comment l’INET doit évoluer, avec qui, ses missions amenées à prendre de l’ampleur, embrasser d’autres sujets, la place des élus, le seuil de 40 000 habitants, l’implication dans la prospective territoriale, les enjeux de demain… Autant de sujets qui forcent à penser demain.

Après un « bashing » constant des fonctionnaires, les français ont mesuré avec le COVID l’importance des services publics de proximité, les valeurs du service public, l’intérêt général et deviennent attachés à une proximité chaque jour plus forte pour répondre aux attentes, aider, accompagner et solutionner. Nos futurs cadres territoriaux auront de sacrés enjeux à mener dans les mois et années à venir, notamment sur les questions sociales et également sur les transitions, qu’elles soient écologiques, numériques ou professionnelles.

Il fallait d’ailleurs voir il y a 3 semaines à Bordeaux lors du colloque organisé par le CNFPT sur les transitions climatiques et écologiques, l’envie insatiable de faire encore mieux pour les collectivités : 700 personnes sur 2 jours pour lancer ces axes de travail voulu par son président, François Deluga.

Président qui m’a demandé en décembre 2022 de piloter le projet de l’INET pour les 4 années qui viennent. Président qui m’a aussi donné comme fil rouge le respect et la transposition du projet d’établissement du CNFPT pour l’INET : les transitions, l’égalité femme-homme, la diversité des publics, parler à tous les territoires et à tous les agents sans aucune distinction. Pour ce faire, avec Belkacem MEHADDI, Directeur de l’INET et Directeur Général Adjoint du CNFPT à Paris, j’ai mené une large concertation depuis le mois de janvier. Ce sont ainsi plus de 200 personnes et organisations qui ont été auditionnées et concertées : du jamais vu à l’échelle nationale. La CGT, FO, l’UNSA, la FA-FPT et l’Interco CFDT. Mais également toutes les associations d’élus : L’Association des Maires de France avec Murielle Fabre notamment, l’Assemblée des Départements de France, Régions de France, France Urbaine, l’Association des Petites Villes de France, l’Association des Maires Ruraux de France, Intercommunalités de France sans oublier la Fédération Nationale des Centres de Gestion et le Conseil supérieur de la Fonction Publique Territoriale.

Gros morceau mais l’enjeu en valait la chandelle tant ce long et lourd travail permet de dessiner les futures grandes lignes de ce que doit être l’INET pour l’ensemble du territoire sans distinction : irriguer tous les territoires, peu importe la taille de la collectivité car, in fine, nous sommes toutes et tous sur le même bateau pour répondre aux attentes de nos administrés. Que ce soit à Brest ville de 140 000 habitants ou chez mon collègue Christophe Iaccobi à Allons dans les Alpes de Hautes Provence, commune de 160 habitants. La proximité est une colonne vertébrale immuable dans ce paysage.

Et cette fonction publique n’attire plus : les départs à la retraite sont énormes, le manque de vocation également, l’attractivité pose question : pourquoi aller dans le service public ? Quelle carrière ? Quel projet ? Et puis évidemment quel revenu, le nerf de la guerre. Au niveau de la Bretagne, nous avons créé une marque employeur pour faire en sorte d’inverser la tendance et d’expliquer ce qu’est cette fonction publique. Nous avons besoin de toutes les catégories (C, B et A) mais, précisément, il nous faut aussi de nouveaux talents qui vont encadrer, dynamiser et se projeter dans l’avenir : ce sera quoi ma ville en 2040 ? Quels services publics et comment ? Et comment nos cadres et agents vont s’investir de tous les sujets précités : écologie, inclusion, diversité, égalité des chances etc…

Ce sont tous ces sujets qui sont sur la table pour et par celles et ceux qui font vivre la fonction publique. Ce billet visait avant toute chose à débroussailler un peu un sujet méconnu mais qui est capital au quotidien dans nos mairies, nos collectivités.

Et vous écrire aussi que le Cnfpt a pris le taureau par les cornes voilà de nombreux mois pour préparer une copie flambant neuve pour les 4 années qui arrivent.

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